8 avril 2010

(Jeu de) Société Idéale!


Vous êtes vous déjà senti dans une situation telle que vous croyez être tombé au beau milieu d’une sarabande endiablée moitié Alice au Pays des Merveilles, moitié Harry Potter et moitié Fight Club ? Comme Alice vous vous êtes engouffré dans un tunnel obscur pour déboucher in fine dans un monde fantastique et effrayant à la fois. Comme Harry Potter (que d’aucuns confondent avec votre serviteur) vous vous retrouvez malheureux pion au milieu d’un échiquier vivant, dérisoire jouet d’un affrontement entre le Bien et le Mal que vous ne parvenez pas à distinguer l’un de l’autre. Et comme à la fin de Fight Club une fois la partie achevée vous vous demandez encore « mais au fond … et si tout ceci était un mauvais rêve ? » Voici l’histoire du jour où moi, humble salamandre, me suis retrouvé au beau milieu du plus fabuleux jeu de société jamais conçu à taille humaine.


L’histoire commence comme un lundi. Mis à part bien sûr le fait que l’on soit mercredi. De prime abord tout paraît normal : on ouvre un œil, un second, et lorsque le troisième … réveil se met à sonner on se souvient de tout. Tout. Et brusquement la salamandre s’éjecte du lit et s’affaire telle une fourmi dans une ruche : aujourd’hui, c’est le grand jour. Game on ladies and gentlemen !


La case départ de ce jeu est vaste comme un hall de gare, et de nombreux concurrents sont réunis, attendant, prêts à partir. Sur le fronton de la gare (car c’en est définitivement une) est inscrit en lettres roses psychédéliques caractéristiques des nuits trop courtes le nom du jeu : « Attrape ton train si tu peux » Rasé de près, gorgé de café et l’haleine délicatement mentholée ; en un mot comme en cent fin prêt autant que l’on puisse l’être, je me lance dans la bataille. Fondu au noir et blanc.


Dring. Sonnerie flashbacktique. Hier. Le hasard des dés a voulu que je sois tombé d’entrée sur la case-raccourci « Numéro Vert ». Un sphinx-ordinateur me soumet à la question. Stressé, des antisèche à la main, je réponds correctement. Il me renseigne : « tout va bien navette » (1) Malgré le préavis de grève mes deux trains sont assurés de partir m’annonce-t-il un jour avant. Fondu enchaîné.


Aujourd’hui. Le principe du jeu est simple : vous incarnez un voyageur devant se rendre sans coup férir à l’autre bout du pays avant la fin de la journée. Vos moyens sont dérisoires, qu’est-ce qu’un petit billet de train mentionnant une correspondance face à la toute puissance syndicale ? L’ennemi intérieur est un réseau ferré en grève. La case suivant le départ est informative : le matin on me certifie que mon train et sa correspondance circuleront à l’heure et moi, fol que je suis je tente un coup de dés, le All In dès la première main. Trois fois hélas, le raccourci « prendre le train prévu à l’heure prévue et la correspondance idoine à l’heure idoine » se referme sur moi. « Oh my God cap’tain, c’est une embuscade !!! » C’était trop osé peut-être. Sans doute. Retour à la case départ, gare de Bordeaux Saint Jean, 14h et quelques. Dans la gare ça crie, ça téléphone, ça s’enquiert.


La salamandre se serait bien passée de la douche froide qui suivit. Case « votre train va bien partir, mais avec trente-cinq minutes de retard » Hic, sacré hoquet, les vingt minutes allouées à ma correspondance me restent dans la gorge. Passage par la case Prison. Pour vous être trompé de file d’attente vous perdez trois quart d’heures. Parvenu au Bon Bureau tel Bougainville s’adressant au Bon Sauvage, j’obtiens l’information que je désire. Oui on va me renseigner. La salamandre exulte. Non on ne va pas retenir un train en garde de Roissy CDG 2 pour les beaux yeux d’un bonhomme. La salamandre retombe lentement, planant sur les répercussions de l’explosion. Dehors il faisait beau. Fondu au noir.


Noire. Dehors la nuit est noire alors que vogue la galère et que roule mon train en direction de Strasbourg. Le joueur gagne toujours à la fin, c’est pour ça que c’est un jeu de société et non un film d’horreur ; la salamandre est comme le chat, elle retombe toujours sur ses pattes, et avec le sourire. Oubliées les cases « prenez le premier train que vous pouvez et alea jacta est », l’étape « votre voisin de carré ronfle pendant que vous révisez », le joker « les roues de votre valise pleine à ras bord vous abandonnent lâchement » et le quitte ou double « métro parisien à l’heure de pointe ». La Lorraine défile à toute vitesse et dans son sillage des bribes de jeu de société tourbillonnent dans les airs. Demain il fera jour. Demain ce sera Salamandre à Strasbourg.


Et puis.

Et puis ça fera toujours une belle histoire à raconter.

Raconter des histoires, n’est-ce donc point ça pourquoi je semble fait ?



(1) Voir le film Un ticket pour l’Espace pour comprendre



(La suite au prochain épisode ... )

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