11 mai 2009

Un beau jeudi

« Au commencement était le Verbe » dit l’Ancien Testament. A la fin aussi il me semble tant la journée écoulée a été fertile en babillages divers. Mais nous avons plus abouti in fine à une tour de Babel post-punition divine avec ses multiples incompréhensions qu’à une entente cordiale et universelle. Ah il peut être fier de nous Montaigne, et par-dessus tout fier comme Artaban que son nom soit associé à une bande d’hurluberlus ubuesques capables de tenir une journée entière à ergoter sur l’ordre des trois mots d’une motion.
Mais commençons par le commencement.
D’abord il y avait cette prof d’histoire médiévale récemment élue à la présidence de l’UFR seule dans un couloir du troisième étage au petit matin marmonnant « j’ai été trahie » d’un ton tragique tout en ouvrant des portes. Puis il y eut ce jour le plus long composé de petites réunions et assemblées générales. Petites est un euphémisme, histoire de conserver au moins le sens de l’humour alors que tout va à veau l’eau. Le soleil dardait ses rayons sur la population attentive, attentiste, amassée sur le parvis du campus. Tout au long de la journée les orateurs zélés se sont succédés à la tribune, certains brillants retournant les esprits en quelques mots, d’autres plus brouillons s’emmêlant les pinceaux. Diogène fit son apparition, professant « qu’il est du devoir d’un bon citoyen de préférer les paroles qui sauvent aux paroles qui plaisent » J’ai entr’aperçu les ruines de Sodome et Gomorrhe lorsque l’une des personne a soumis au vote une manifestation nus comme Adam & Eve en guise de protestation, mais aucune suite n’a été donnée à cette offre.

Nos bras se lèvent et s’abaissent en cadence, nuées de sauterelles survolant le Nil de la discorde alors que nous votons pour des amendements dérisoires. Une nouvelle forme de gymnastique d’entreprise vient de voir le jour sur le campus de Bordeaux 3 « que tous ceux qui sont dans la place lèvent le bras, le relèvent, … nan pas là, … là ! »

Notre Elohim -le comité de Mobilisation- à nous, nous demande un sacrifice digne de celui d’Abraham : non, pas de fils innocent à sacrifier sur l’autel de la foi mais une année à mettre entre parenthèse afin de lutter contre « la société capitaliste », « le gouvernement » ou d’autres ... Mais là y aura-t-il un archange Gabriel pour venir arrêter notre bras avant le geste fatidique ? « Autant pisser dans un violon » comme dit l’autre, se référant à l’hypothétique retrait du décret de la part du gouvernement de la République. Echauffés par le temps, l’attente et les débats, les esprits s’enflamment. Au cours du vote par couloirs, alors qu’y est soumise une motion de « concertation » un peu floue mais consensuelle face à une reprise des cours sans conditions (soit deux motion relativement proches dans l’idée, les mots changeant) une rumeur de fraude se propage dans la foule. Attisée par la prise de parole de l’une des membres du Comité de Mobilisation, cela suffit pour faire annuler le vote et se confronter certains esprits courroucés.

Les télés, rapaces voraces présent sur le campus afin d’extraire la substantifique moelle d’une AG interminable, s’en sont donné à cœur joie. Pensez-vous, des images de tensions, voilà qui fera bien en fin de JT. Quitte à prendre des pincettes avec la réalité des évènements : « à Bordeaux 3, où d’ordinaire les débats se passent dans le calme relatif, la situation a dégénérée cet après-midi, des étudiants excédés s’en prenant aux bloqueurs suite à l’annulation du vote pour soupçons de fraude » Ah, qu’un œuf vole et ces oiseaux de mauvais augure fondent brusquement sur le scoop, générant une situation excentrique : quatre caméras entourant trois étudiants en venant presque aux mains ! Le Président Moïse reprend les choses en main : « ce n’est pas parce qu’un œuf a été lancé que la dignité de tous s’en est allée », désignant la Terre Promise d’un geste ample. Oui, il y aura lundi un vote à bulletins secrets. La foule applaudit, hue, hésite entre le veau d’or des belles paroles révolutionnaires et les Tables de Loi présentées par le prophète ; et finalement opte pour la solution proposée et se disperse comme « dust in the wind ».

Pour clore cette journée biblique, il ne manque que la Peste, châtiment du Très-Haut-Vengeur pour nous punir. Et à ce qu’il paraît, un cas de grippe mexicaine aurait été confirmé dans la région bordelaise … ça se rapproche ! La suite me demanderez-vous ? Elle s’écrit en ce moment : si l’Université a pour but de former des esprits à la parole ; à la réflexion Montaigne peut être fier de l’institution portant son nom.
Au commencement était le Verbe.
Et s’il ne nous reste que ça, ce sera cela !

2 commentaires:

Naunaunawak a dit…

ça commence par des oeufs et...

Un Certain Mr Klm's a dit…

ça finit en CAR-BO-NA-RA!!!