24 novembre 2010

Le bruit et l'odeur nauséabonde

Avertissement :
« Hommes, bêtes, villes et choses, tout est imaginé. C’est un roman, rien qu’une histoire fictive. Littré le dit, qui ne se trompe jamais » (Céline, Voyage au bout de la nuit) et « l'histoire est entièrement vraie, puisque je l'ai imaginée d'un bout à l'autre » (Vian, L’Ecume des jours)
Ce serait l’histoire d’une « sous-feuille de chou étudiante [aimant] décidément beaucoup diffamer ceux qui contreviennent à sa vision béate et bien-pensante de l'université en particulier et du cancer gauchiste en général. » Tumulte pour la nommer. Et des méchants. Pas des méchants gentils à l’accent russe du style Gru de Moi, moche et méchant, non, juste des méchants du style à emplir « Ziklondouche, fabriquant de douche à 11 trous, Tel Aviv, Israël » en « employeur sur Facebook et à commenter « beaucoup de boulo ^^ » A faire froid dans le dos au fond d’un cratère en ébullition (1).

Flash-back. Il y a quelques mois, alors que l’on croyait encore que les bleus avaient une chance d’aller faire quelque chose en Afrique du Sud, la rédaction que je n’avais pas encore rejoint a eu un soucis avec un syndicat « nationaliste » (où l’on notera l’utilisation des guillemets à dessein) burgonde nommé Circus Estudiantin ayant alors pour fait d’arme d’avoir fait irruption à la fac de Missives et Eruditions humaines de Burgondie par des violents tags « dehors les parasites » à la bombe rouges sur les murs de l’université. Où l’on apprend à ses dépends l’utilisation de la formule « droit de réponse. » L’article traitant de l’apparition de ces boues rouge sans prendre la peine d’aller plonger les mains dans les effluves de métaux lourds, la vague (2) tentant d’ébrécher la digue se sentit insultée. Et riposta, obligeant le « papier qui fait du bruit » à se plier à ses désidératas. Ok, le mal étant fait, l’on tenta d’oublier et passa à autre chose. Fondu au noir.L’automne étant venu et la cigale ayant chanté tout l’été (traduisez les bleus ayant été nuls et le gouvernement n’ayant guère semblé fait mieux) grand bruit se fit lors du lancement du Tumulte Hebdo nouvelle formule. Il faut dire que j’avais rejoint la rédaction. Pardon, il faut dire que les formes avaient été mises, que la couleur était au rendez-vous. Le beau temps aussi pour le peu que ça importe. Et le temps des cerises, un peu.

Drapeaux, tracts, panneaux, chants, crécelles, sonos, fumigènes, … tout était réuni pour faire de la rentrée burgonde une grande manifestation pour l’allongement du temps de sieste dans la société. Partout dans le pays le peuple s’était levé en masse, refaisant le Printemps de Presbourg (dans les slogans tout du moins). Tout ceci s’achèverait par un grand pied de nez des gouvernants mais on l’ignorait encore. Deux mois durant, à raison de deux à trois fois par semaine, les gens se retrouvaient dans la rue pour battre le pavé, promener des panneaux et sortir les fumigènes (et au passage le chien pour certains d’entre eux, y’a pas de petits profits). En cadence s’il vous plaît.

Après l’impulsion du mouvement en Burgondie par des salariés en colère, ouvriers, fonctionnaires, tous unis dans une même Grande Marche de la Sieste ; les jeunes rejoignirent le mouvement. Et le cortège. Après tout la sieste les concernait aussi, même s’ils étaient jeunes. Qui pouvait décemment prétendre qu’il ne ferait jamais la sieste de sa vie ? Des lycées furent bloqués par des ados surmotivés, des ateliers travaux pratiques furent instaurés avec des slogans catchy bombés sur les vieux draps de maman. Les médias ont malheureusement isolé ce jeune chevelu illuminé promenant son panneau « Non à la sieste » pour tenter de prouver par A+B=X que « ces jeunes sont manipulés par l’opposition et ne savent même pas pourquoi ils sont dans la rue. »

En ce qui concerne les étudiants, la Burgondie mit un peu de temps à rejoindre en force les cortèges. Fer de lance du mouvement ? L’université de Missives et Eruditions humaines de Burgondie bien entendu, as usual. D’interminables AG se mirent en place afin que tout un chacun puisse présenter son point de vue sur la sieste : on discuta, on se hua, on se chamailla comme Au Premier Jour, et finalement on vota le blocage pour les jours de grève (j’abrège un peu).

Vous vous demandez sans doute « très bien mais en quoi cela concerne-t-il la Salamandre ? Elle n’est pas devenue du jour au lendemain bloqueur en plus de blogueur ? » Rassurez-vous, j’y arrive.

Tumulte Hebdo étant en plein démarrage, nous vîmes dans ce mouvement une opportunité de se faire une place au soleil (à l’époque il faisait beau). Aussi vînmes-nous de bon matin installer nos pénates au plus près du blocage, au beau milieu de la faculté de Missives et Eruditions humaines de Burgondie, pas loin des hamacs tendus entre les portes de l’université par les siesteurs pour empêcher toute entrée dans les bâtiments. Nous souhaitions expérimenter le live-blogging à l’occasion (et au passage vendre quelques journaux). Nous fûmes servis !

Le soleil n’était pas encore levé que nous étions en train d’interviewer les étudiants faisant le pied de grue et le piquet de grève. Première rumeur entendue que nous nous empressâmes de rapporter : une jeune fille farouchement opposée au blocage était parvenue à renverser deux hamacs, trois types allongés dedans et quatre gobelets de café pour entrer de force dans un bâtiment de l’université. Depuis, à la fois les étudiants siesteurs et la sécurité de l’université la cherchaient partout. On la disait barricadée quelque part, ou alors gravement blessée, ou encore en train de chanter merveilleusement depuis le toit de la fac.

Elle eut tôt fait de se voir attribuer un nom de guerre par les étudiants siesteurs : princesse Raiponce (3), héroïne des Contes des frères Grimm plus connue (par moi en tout cas) sous le nom de Rapunzel (mais je suis germaniste, ne faites pas attention). En effet, barricadée au sommet de la plus haute tour de l’université, on ne pouvait distinguer d’elle que quelques cheveux blonds s’échappant par la fenêtre. En fait, une fois son cours terminé (mettons plutôt à l’heure où celui-ci aurait dû s’achever) elle sortit les mains dans les poches, saine et sauve et plutôt souriante. Le reste de la journée se déroula comme un jour de manif.

Je ne vais pas vous conter la lutte finale ici, à moins de sortir des tréfonds d’une mine chilienne vous devez avoir eu un ou deux échos des évènements. Revenons à nos moutons. Raiponce, ou plutôt Cécile Viandrouge puisque c’est son nom, envoya un courriel à Tumulte Hebdo avec sa version des faits. Courriel tout à fait aimable que nous publiâmes tel quel sur le site ipso facto. A partir de là les choses allèrent vite : les commentaires se multiplièrent à propos de cet article, tantôt rageurs tantôt flatteurs.

Où l’on retrouve Circus Estudiantin dans d’autres circonstances. Se saisissant de l’occasion et du contenu de notre site, ils ont tôt fait de faire de Cécile Viandrouge une nouvelle Jeanne d’Arc, les voix en moins. « Elle s’est battue contre la voyoucratie étudiante, et en plus, elle a été traité comme moins que rien par les sous-journalistes de Tumulte Hebdo, qui on vous le rappelle nous avaient diffamés l’an dernier. » Je traduis l’esprit, pas la lettre, risquant d’être accusé de copie illégale et craignant plus que tout la (grosse) commission Hadopi !

S’ensuit une petite querelle de contenu web, une définition de la formule « tous droits réservés », des mails (ouaip, j’abandonne courriel pour la fin de l’article) incendiaires agrémentés de petites perles insultantes ; la surprise pour ma part de découvrir des photos prises par ma petite personne (« pas si petite que ça » aurait dit mon mentor, le Petit Prince) lors d’Assemblées Générales sur des sites peu recommandables, Info-Burgondie par exemple (il parait que l’on nomme ça fachosphère) ; photos pour lesquelles je m’étais battu car des siesteurs m’avait dénié le droit d’en prendre, « l’AG n’ayant pas décidé que [je] pouvais le faire. »

Bref, au final tout fut bien qui finit bien. Les choses inadéquates furent retirées des sites inadéquats (c’est étrange comme la peur du procès motive parfois). Seule la révolution, elle, fut piétinée par un pied de nez monumental de la part du gouvernement. Plus de sieste pour les travailleurs ! Mais les étudiants repartirent en cours malgré un sentiment d’inachevé pour certains.

« La vie continue » semble être la maxime ad hoc pour parachever cette chronique de rentrée.
Épilogue :

« Facebook. Hi Clément, Info-Burgondie wants to be friend with you. » Drôle de réveil, drôle de courriel au matin, drôle de monde. Où les gens qui te semblent pour le moins hostiles désirent devenir tes amis, enfin, tes amifacebooks. On m’avait prévenu que c’était là le genre de bravade à laquelle m’attendre, mais je ne pensais pas la croiser au détour de mon chemin de sitôt.

« A long time ago, we use to be friend » chantent les Dandy Warhols en ouverture de Veronica Mars. Et si je ne souhaitais pas devenir votre ami? Et si je voulais conserver les miens à moi avec leur sens de l’humour pourri certes mais similaire au mien ? Ceux avec qui reprendre en chœur « show me your genitals » de Jon Lajoie serait une joie (justement) et avec qui une blague juive ne serait pas teinté d’ambiguïté pour la moins détestable, ou encore ceux chez qui les rares photos que je publie online ne risqueraient pas de se retrouver associées à des commentaires détestables mais simplement à des commentaires « cons à bouffer des clous », géniaux quoi !
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(1) J’ai du mal à trouver un endroit plus chaud
(2) Voir à ce sujet l’excellent film éponyme de Dennis Gansel
(3) Conte adapté en dessin animé Disney sortant cette semaine ou la prochaine

2 commentaires:

Izno Good a dit…

Yop, à savoir très chère salamandre, que les articles sur le site circus estudiantin ne furent retirés que très tardivement, leur enquête juridique mettant bien longtemps à comprendre une évidence : ils étaient en tord. Mais, sachant que quelques mois suffiraient,ont laissé juste assez longtemps pour que la sous feuille de chou perde un peu de visibilité ainsi que leur mouvement soit bien visible et leur point de vue entendu.

De plus, certains contenus ne sont toujours pas enlevés.

Cependant, la sieste n'était pas très longue, c'était plutôt la version japonaise et la "microsieste"...:)

Merci pour ce feuillet de chou rouge ma salamandre préférée !

Izno Good

FE rules a dit…

Quel dommage... Il semblerait que celui ou celle qui gère les courriels de "Tumulte" afin d'envoyer d'arrogantes et risibles menaces aux gens ne vous aie pas raconté comment il fut renvoyé à son torchon par une docte réponse et ainsi débouté de sa ridicule demande d'excuse(!), au cours de laquelle il avait parfaitement démontré sa totale ignorance du droit.
Quand au fait d'être en tort, le "Circus estudiantin" ne l'était pas vraiment puisqu'il n'eut a retirer aucun article, mais seulement à en afficher le pourcentage autorisé!

Mais si vous voulez tout savoir, demandez donc à voir la conversation par courriel, s'ils n'ont pas honte de vous la montrer!