17 décembre 2008

« Haaave you met Emile ? »

Situons le contexte de prime abord. Oui, soyons un peu précis para una vez. Alors, imaginez une université française, une université de lettres qui plus est. Donc oui, elle date des années 70, est un peu délabrée et son toit risque à tout moment de fuir. Mais ce n’est pas grave, … parce que là mes enfant, se construit l’avenir de toute une génération, et je peux vous assurer qu’il en faut plus que deux gouttes d’eau pour les faire fuir !

Ok, je m’égare un tantinet, poursuivons donc ! Alors dans cette université, que le commun des mortels nomme la fac de lettres de Bordeaux et que les autres appellent pompeusement l’Université Michel de Montaigne Bordeaux 3, il y a des étudiants. « C’est vrai ? » Oui mes enfants ! Et parmi ces étudiants il y a moi, fraichement débarqué de mon Béarn natal (ou presque). Il y a aussi quelques amis que je connaissais depuis pas mal de temps. Et surtout, il y a Emile !

Emile est quant à lui fraichement débarqué de la planète Mars. Si, si, ou alors je ne comprends plus rien à rien. Quant on le regarde, de prime abord, on ne se doute de rien. Bon, il y a bien cette petite calvitie plus que naissante qui attire le regard ainsi que l’air constamment débraillé, mais je ne puis juger quelqu’un sur son apparence, regardez moi ! Enfin, tout ça pour vous dire qu’il faut l’avoir entendu au moins une fois dans sa vie interrompre un cours de n’importe quoi (oui, je suis convaincu qu’il interromprait à l’identique un cours de pataphysique appliquée à la construction des mégalithes néolithiques) pour se faire une idée. Pour tout vous dire, lorsque l’on est arrivé avec Baptiste, au premier cours, nous nous sommes d’entrée sentis moins perdus dans cette université. En effet, d’une part le prof nous faisait cours en employant la voix de Jacques Chirac des Guignols, et d’autre part il y avait lui, sorte de quintessence naturelle des deux dons que la fac de Pau nous avait donnée et que nous avions abandonnés à regret. On les surnommait (peu aimablement il convient de l’avouer, mais que voulez vous mes enfants, ça se saurait si nous étions des anges, et puis, vous voyez des ailes dans mon dos ?) Gneugeu (ou Feufeu pour ceux qui ne parvenaient pas à prononcer ce borborygme) et Richard III, deux sortes d’individus tout droit issus du bestiaire d’un pays imaginaire. L’un était affligé d’un léger défaut de prononciation et d’une petite manie bizarre lorsqu’il faisait la bise aux demoiselles (qui de ce fait tentaient de le fuir comme la peste, mais je crois bien que s’il avait été un fléau, il se serait propagé terriblement).

Comment ça je m’éloigne du fil de l’histoire d’Emile ? Attendez, c’est vous qui avez demandé que je vous raconte une histoire ou c’est moi ? C’est vous ? Ok, alors laissez-moi la conter à ma guise, et vous verrez que tout va s’emboiter à la fin comme une balle de revolver dans son canon.

Je reprends donc. Quant au second, mis à part sa manie de poser systématiquement des questions saugrenues en cours, il se présentait lui-même comme un catholique communiste et était affublé d’un attribut capillaire du plus bel effet à côté de laquelle Barbe-Bleue passerait pour un gamin. J’en reviens enfin à l’histoire telle qu’elle s’écrit en ce moment. Emile, dès le premier cours se singularisa par une propension à interroger l’enseignant de façon réitérée. Jusque là rien de grave me direz-vous, car ce ne sont pas cinq interruptions en un cours de deux heures qui vont empêcher les oies sauvage de migrer et les bébés panda de se faire les dents sur des pousses de bambou. Oui, mais je n’ai pas fini. Chaque intervention prenait un tour déroutant tant elle paraissait hors du contexte. A tel point que dès le premier cours j’ai pu garnir mes marges des petites réflexions saint-emiliesques. Et si j’en ai encore le courage à la fin de ce papier, je vous sortirai les meilleures en bonus track, mais je vous offre celle-ci en avant-première : alors que le prof nous entretenait sur les méthodes et roueries électorales en France au XIXe siècle et nous apprenait l’innovation fondamentale consistant en effectuer le vote en une seule journée, une voix s’éleva pour demander « Pourquoi aux Etats-Unis il y a un décalage ? » La réponse fut lapidaire (il faut dire que le prof en question commençait à le connaître et à éluder ses questions) « ben déjà à cause du décalage horaire ! »

En ce qui concerne la formule d’aujourd’hui, que je racontais à Bap’ absent pour cause de voyage à Paris et qui a déclenchée l’écriture de tout ceci, le prof nous parlait de je ne sais plus quoi à propos d’un président du Conseil sous le Second Empire nommé Emile (comme de par hasard !) Ollivier, et il précisa « avec deux « L » ayant sans doute la flemme de le noter au tableau. Et là, Emile prit la parole pour dire « ah oui, comme le champagne d’Auchan ! » intervention une fois de plus sans rapport aucun avec le cours. Et voilà comment l’on va se retrouver jeudi prochain à goûter de ce fameux champagne car le prof sauta sur l’occasion et dit « je ne sais pas, vous êtes condamné à en apporter une bouteille la prochaine fois, en plus c’est le dernier cours » « une bouteille d’eau ? » répondit le damoiseau.

Voilà vous savez tout de cette histoire. Et en me relisant, je nous vois puérils, mais bon ! Récemment nous avons fait connaissance d’autres personnes de notre promo, brisant un peu le carcan dans lequel toute nouvelle tête est enfermée, et il s’est avéré que nous n’étions pas les seuls, Baptiste et moi, à nous moquer plus ou moins gentiment de ce sire. Loin de là ! Et pour l’avoir observé comme un ethnologue le ferait avec un IKS dans son environnement (lors d’un repas de promo dans un bar), je comprends pourquoi. Il est arrivé comme un cheveu sur la soupe, en criant toutes sortes de choses étranges et incompréhensibles alors que l’atmosphère était plutôt calme. Peut-être essayait-il simplement de communiquer mais nul ne l’a compris. Et lorsqu’il s’est mis à sautiller assis sur son banc, en faisant sautiller celui-ci aussi et en poussant des cris à faire passer la bête du Gévaudan pour un rossignol, je crois que j’ai commencé à me désintéresser de la question pour me tourner vers mes voisins de table.

Et pour clore ce chapitre de nos aventures bordelaises, je vais vous faire une confidence : non Emile ne vient pas de Mars, ‘cause there isn’t life on Mars malgré la chanson de David Bowie et la série télé du même nom. Il nous arrive d’un pays nommé Alsace, et ma foi, si l’on me demande pourquoi le voilà si loin de ses origines … j’esquisserai peut-être une ébauche de réponse !

Un Certain Mr. Klm’s/Harry

Bordeaux, jeudi 11 Décembre ’08, milieu de la nuit

Aucun commentaire: